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Clara Zetkin
Source: L’appel, 29 avril 1920, p. 7 (1 661 mots)
Transcription: Ted Crawford
Balisage HTML : Brian Reid
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Pour la seconde fois la classe ouvrière allemande a derrière elle à la veille du 1er mai une bataille révolutionnaire qui semble perdue, mais qui lui a pourtant fait faire de beaux pas en avant, une bataille révolutionnaire ; d’où ils reviennent battus mais non vaincus, non domptés.
Tout comme le 1er mai de l’année dernière, les gardes blancs de Noske sont entrés à Munich et ont étouffé la République soviétique dans le sang de milliers d’ouvriers : la bourgeoisie était dans l’illusion qu’avec les ouvriers de Munich, tout le prolétariat allemand avait été écrasé ; qu’en massacrant la République soviétique, prématurément érigée à Munich, la future République soviétique d’Allemagne, la révolution prolétarienne elle-même avait été étranglée. Car les combats de Munich entre révolution et contre-révolution avaient été le point culminant de cette lutte qui avait été menée depuis janvier 1919, dans un esprit vaillant et d’abnégation par l’avant-garde révolutionnaire de la classe ouvrière allemande. Dans des grèves et des révoltes armées, ils s’étaient courageusement opposés à la restauration du capitalisme et à la dictature de classe bourgeoise qui avait été tentée. sous le manteau de la démocratie, avec l’aide des traîtres sociaux-patriotes. Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht, Leo Jogiches, Eugen Levine, avaient été assassinés et assassinés dans ces combats. Environ 15 000 travailleurs, hommes et femmes, ont payé de leur vie leur combat pour la liberté. Des milliers et des milliers de combattants révolutionnaires remplissaient les prisons, les hospices, les forteresses et les camps d’internement. Certes, la révolution était morte et enterrée.
Pourtant, merveille des merveilles ! À peine un an s’est écoulé et cet être immortel se relève, ses armes cliquetant ; elle revient plus redoutable qu’auparavant. L’affaire Kapp était son signal à la classe ouvrière, pas sa cause ou son pouvoir. Le coup d’État militariste qui doit préparer la restauration de la monarchie a cet effet. Elle transforme en volonté et en action le sentiment et la compréhension du prolétariat que son devoir est de chasser au diable non seulement un Lüttwitz, mais tous les Lüttwitz, les militaristes, même s’ils s’appellent Noske. En d’autres termes : que le devoir historique des travailleurs est d’exterminer tout le système du militarisme, de briser avec lui l’épée même de la domination de classe bourgeoise, de l’exploitation du capitalisme, tel est le but principal de la lutte. Le désarmement de la bourgeoisie, l’armement de la classe ouvrière, est le principal cri de guerre, auquel s’ajoutent de petites revendications politiques, telles que la libération immédiate des révolutionnaires emprisonnés, etc. Et c’est un signe très important pour montrer à quel point la révolution a avancé. Le cri de guerre n’est pas seulement suivi par l’avant-garde révolutionnaire, mais aussi par de très larges masses prolétariennes qui jusque-là avaient été captivées par Scheidemann et Ebert, par les démocrates bourgeois et les cléricaux.
Les classes possédantes et leurs serviteurs oublient vite leur petite querelle domestique, soit que le militarisme n’ait le commandement suprême qu’au profit de l’ordre bourgeois, soit même sur l’ordre bourgeois lui-même. La démocratie et le militarisme se sont embrassés et se sont unis pour la lutte commune contre la gauche, contre le bolchevisme, c’est-à-dire contre les travailleurs qui aspirent à la liberté. La démocratie a donné à ces pauvres diables des négociations et des conceptions futiles et creuses, tandis que le militarisme leur a attiré les balles et les balles de ses mitrailleuses et de ses minenwerfers. La partie révolutionnaire des ouvriers avait assez de clarté sur la voie de la révolution historique pour bien comprendre la nécessité et l’objet de la lutte, mais elle n’avait pas encore assez grandi en nombre et en unité pour pouvoir remporter la victoire. Grâce au militarisme, la démocratie est restée triomphante de la révolution. Là où les ouvriers avaient pu vaincre le militarisme en s’emparant des armes, sévit maintenant la terreur blanche. Après la Thuringe, Leipzig, Halle, etc., les provinces rhénanes et la Westphalie sont les victimes des gardes de Noske. La « modeste action policière » pour rétablir « l’ordre et la paix », à laquelle le gouvernement d’Ebert et Muller étaient liés par serment, s’est avérée être la dictature la plus féroce et sans scrupule des sabres, des fusils, des obus et de la loi martiale. Les milliers de corps de travailleurs blessés, déchirés et massacrés racontent une autre histoire ; le courage héroïque et le dévouement désintéressé avec lesquels les exploités ont combattu, parce qu’ils se sont aventurés à rêver de liberté et du plus haut développement humain pour leur classe.
Et pourtant, malgré les énormes sacrifices sanglants, malgré l’apparente défaite, la classe ouvrière allemande ne revient pas de cette bataille l’esprit humilié et déprimé. Ils sont aigris, exaspérés, mais pas découragés du tout. Ils sont tout à fait conscients qu’ils ne sont pas encore assez puissants pour soumettre leur ennemi mortel, mais ils sont également conscients qu’ils ont avancé sur la voie de sa défaite finale. Les dernières luttes ont montré tout le chemin parcouru par le prolétariat allemand en un an pour comprendre le but et la voie de ses efforts d’émancipation du point de vue de la perspicacité et de l’unité. Le fruit le plus précieux de leurs luttes est une conscience développée du pouvoir prolétarien, ce qui signifie plus de confiance dans leurs propres forces et une consolidation de la tradition encore jeune du combat révolutionnaire. A l’époque où le prolétariat français en tant qu’avant-garde révolutionnaire des déshérités de tous les pays menait ses glorieuses batailles contre l’ordre bourgeois, il y avait des années et des décennies entre leurs fiers soulèvements. En 1830 eurent lieu la révolte des tisserands lyonnais et la révolution de juillet ; 1848 la révolution de février et l’immortelle bataille de juin ; en 1871 la Commune de Paris. De nos jours, la classe ouvrière allemande, après une défaite des plus sanglantes, s’est soulevée en l’espace d’un an contre ses maîtres et ses bourreaux une seconde fois dans une lutte révolutionnaire. Dans l’école, une dure expérience et une lutte révolutionnaire, les processus de prise de conscience et de ralliement du prolétariat allemand se poursuivent à pas de géant. Ce fait confirme une fois de plus la conception que nous vivons dans une période révolutionnaire de l’histoire humaine, et que maintenant le rythme du développement diffère de celui d’une ère d’évolution paisible comme la rapidité d’une automobile diffère du pas d’escargot de l’ancienne diligence.
Ainsi, en 1919 et 1920, les luttes révolutionnaires en Allemagne soulignent fortement ce qu’en novembre 1917 la révolution héroïque et glorieuse du prolétariat russe a enseigné. La révolution mondiale suit la guerre mondiale comme le jugement dernier sur le capitalisme. La révolution mondiale est en marche. La révolution des ouvriers et des paysans pauvres en Russie a victorieusement maintenu son terrain contre un monde d’ennemis. Alliés aux contre-révolutionnaires à l’intérieur du pays, les impérialistes et les capitalistes de tous les États tentent aux frontières d’étrangler la Russie soviétique socialiste. Dirigés par le Parti communiste, les ouvriers ne sont pas vaincus par le pouvoir militaire, ils se dressent fermement, contre la faim et la désorganisation économique, les terribles héritages du tsarisme et du capitalisme, et le crime effrayant de la contre-révolution ; ils luttent pour protéger et maintenir la révolution, ils travaillent à construire un nouveau monde social, un monde social meilleur et plus heureux. Un exemple de grandeur historique comme l’humanité n’en a jamais vu auparavant. L’Allemagne est secouée par des convulsions révolutionnaires. Il serait vain de prophétiser la date du prochain grand soulèvement des ouvriers allemands. Pour l’instant, il suffit de savoir que dans un proche avenir l’Allemagne du capitalisme doit succomber inévitablement à la prise d’assaut des masses laborieuses et exploitées. Car l’autre possibilité est impossible, impensable, à savoir que les masses elles-mêmes abandonnent la lutte révolutionnaire et acceptent de succomber à la barbarie de l’exploitation et de la servitude capitalistes accrues.
Sur l’Italie rugissent les tonnerres de l’orage qui vient ; en France c’est la foudre en nappes ; des tempêtes font rage dans le fier empire de la Grande-Bretagne. En Angleterre et en Ecosse, des masses croissantes d’ouvriers s’unissent autour du drapeau socialiste, communiste. L’Irlande, l’Egypte et l’Inde sont en révolte. Les esclaves salariés aux États-Unis se rassemblent pour la lutte des classes ; leurs grèves deviennent de plus en plus étendues, plus importantes et prennent un caractère révolutionnaire. La situation internationale, conséquence des querelles diplomatiques entre les puissances alliées pour le butin de la guerre mondiale, devient de plus en plus compliquée, riche en conflits, grosse de guerres futures. Ici aussi, la base économique de l’ordre capitaliste, les antagonismes de classe et les luttes de classe, gagnent en intensité et en amertume. De sous les profondeurs volcaniques de la société surgit le socialisme, le communisme.
Au milieu des tempêtes et des flammes de ce développement historique, le 1er mai a acquis une signification et une importance nouvelles et plus élevées. C’était un symbole que la Deuxième Internationale nous avait laissé. Elle doit devenir une action de la Troisième Internationale. Une manifestation de mai, sous la forme d’une grève d’un jour, était la seule tentative faite par la Deuxième Internationale pour unir les ouvriers de tous les pays dans une action commune. Le but de cette manifestation était d’obtenir des réformes dans l’ordre capitaliste, réformes destinées à accroître la force de combat des ouvriers dans leur lutte contre le capitalisme. La IIe Internationale abandonna la politique d’action internationale commune, ainsi solennellement résolue, et se contenta de la seule propagande. En conséquence, la Deuxième Internationale a dû renoncer aux réformes elles-mêmes. Désormais, la bataille entre ouvriers et bourgeois n’est plus celle des réformes dans l’ordre capitaliste, son but est de renverser, de soumettre cet ordre. Le capitalisme ou le socialisme et le communisme est le cri de guerre. Aucune résolution sur papier ne doit être le but, mais l’action vivante et puissante des masses laborieuses. Le 1er mai doit montrer que, dans tous les pays, le prolétariat, conscient de sa solidarité internationale, est fermement décidé à appliquer tout son pouvoir et toute son énergie à des objectifs immédiats, à savoir la conquête du pouvoir politique, la dictature de la classe ouvrière et des républiques soviétiques en pour vaincre le capitalisme et préparer la voie au communisme. Pas d’humble salut devant le capitalisme le 1er mai ! Mains libres, cœur haut et fier ! En avant, ralliez-vous à la bannière rouge de la Troisième Internationale !
De l’Allemagne en révolution les communistes envoient le 1er mai ce message fraternel.
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Dernière mise à jour le 22.7.2007
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